L’évasion du sens. L’image en littérature et les limites du langage chez Maurice Blanchot

olivares

Amanda Leonor Olivares Valencia
amanda.leonor.olival@gmail.com
Universidad Diego Portales, Chile

Résumé

Les images qu’un texte suscite à travers l’expérience de la lecture proviennent de différents espaces, en fonction du contexte dans lequel ce langage est donné. Dans un contexte quotidien, le sens se détermine par rapport aux éléments qui renvoient à notre existence. La même phrase lue dans les premières pages d’un roman donne lieu à une relation avec une dimension de non-existence qui n’a pas encore été révélée. Cette différence en l'expérience du langage peut également être envisagée du point de vue de celui qui produit ou écrit une œuvre écrite. Cet essai explore les nuances de cette distinction évoquée par Maurice Blanchot dans différents essais. La nature du langage littéraire, son rapport au sens et à la représentation, seront mieux compris à la lecture de deux essais écrits par l’auteur dans les années 1940.

Mots-clés

langage littéraire — Maurice Blanchot — œuvre

Title

The Elusion of Meaning: the Image in Literature and the Limits of Language in Maurice Blanchot

Abstract

The images that a text evokes through the experience of reading come from different realms, depending on the context in which that language is given. In an everyday context, meaning is determined in relation to elements that relate to our existence. The same sentence read in the first pages of a novel gives rise to a relationship with a dimension of non-existence that has not yet to be disclosed. This difference in the experience of language can also be considered from the point of view of the person who produces or writes a written work. This essay explores the nuances of this distinction, as presented by Maurice Blanchot in several of his writings. The nature of literary language, along with its relationship to meaning and representation, becomes clearer through an examination of two essays by the author from the 1940s.

Keywords

literary language —Maurice Blanchot — literary work


Le langage littéraire se caractérise par un sens évasif et insaisissable. Les images émergent d’un flottement insubstantiel qui, en même temps qu’il affaiblit le rapport à ce langage, en constitue son plus grand encouragement. Ce qui rend possible l’expérience littéraire, c’est un rapport oblique à la signification, mais c’est aussi ce qui la rend impossible, car elle se révèle vaine, inutile, voire même insignifiante.

La dérobade qui caractérise le langage littéraire nous parle de la relation qu’il établit avec la représentation. Dans la littérature, le langage se manifeste comme se dérobant à lui-même, ne pouvant se constituer en substance, sans identité, sans essence. En ce sens, la littérature n’est plus le langage signifiant. Elle est le langage qui présente — et ne représente pas — l’absence de signification, l’inexplicable et même l’incompréhensible.

Depuis le début des années 1940, Maurice Blanchot, par son activité d’écrivain, de romancier, d’essayiste et de philosophe, développe une compréhension du langage fortement nourrie de l’expérience littéraire. À travers cet essai, nous cherchons à montrer les caractéristiques de la conception de Blanchot sur le langage littéraire qui nous permettent d’affirmer son caractère insaisissable. Cela nous permettra à son tour de comprendre diverses implications de cette conception du langage : le type de relation que la littérature établit avec la conscience et avec le monde ; la manière dont la littérature émerge de l’activité de l’écrivain ; ainsi que le lien établit entre le lecteur et l’œuvre.

Nous étudierons dans un premier temps la différence entre le langage littéraire et le langage commun afin de mieux comprendre les enjeux du premier. Puis, nous expliquerons le sens dans lequel la compréhension du langage littéraire entraîne un mouvement de renversement de la compréhension du langage commun. Ce renversement a lieu entre l’intériorité d’un langage qui exprime ou représente la pensée et l’extériorité d’un langage qui ne dit rien, qui parle pour ne rien dire. Afin de mener au mieux notre argumentation, nous nous appuierons sur l’essai « Le langage de la fiction » et sur certains passages de la première partie de « La littérature et le droit à la mort ».

Dans « Le langage de la fiction », Blanchot décrit les rapports qu’établit un lecteur avec le monde lorsqu’il lit une phrase dans la vie quotidienne, et lorsqu’il la lit dans un livre de fiction. Cette description nous permettra de comprendre les différents rapports établis entre la conscience et le monde, en distinguant les liens établis avec le langage courant et ceux établis avec le langage de la fiction. Ensuite, la lecture des premiers passages de « La littérature et le droit à la mort » nous permettra d’entendre cette même différence pensée à partir de la figure de l’écrivain, par opposition à l’itinéraire de l’expérience de la conscience et son rapport au monde dans la Phénoménologie de l’esprit de Hegel.

Deux scènes de lecture

Dans « Le langage de la fiction », Blanchot explicite les différences entre le langage commun et le langage de la prose ou du récit. Dans la prose littéraire, plus simple que la poésie, existe déjà un changement important par rapport au langage quotidien. Dans ces deux formes de langage, les mots « s’ouvrent au savoir qui leur est lié » (79), mais pas de la même façon. L’interrogation sur le rapport entretenu entre ces deux langages et le savoir est instructive de la portée de cette distinction concernant le rôle du langage dans la génération de connaissance.

Nous comprenons l’idée de connaissance comme étant toujours en relation avec un objet sur lequel s’affirme un savoir d’ordre théorique. Ici, le langage fonctionne comme l’instrument qui permet d’énoncer, de constater ce qui est connu. Sur cette constatation s’appliquent des catégories de vérité qui permettent de qualifier la fidélité de l’affirmation par rapport à la réalité de son objet. La connaissance est toujours une connaissance de quelque chose. En revanche, nous le verrons, le langage littéraire ne parle de rien. Il s’agit d’une autre compréhension du langage, non mesurée selon la règle de la fidélité à un monde qu’il s’agirait de constater. Au contraire, le langage littéraire participe au processus de génération et de conformation du monde. Dans ce sens, nous dirons que rien ne précède la littérature. Cette idée sera précisée tout au long de cet essai.

Le langage commun ou quotidien est le langage que nous parlons dans la vie de tous les jours. Blanchot l’illustre en évoquant la phrase « le chef de bureau a téléphoné ».[1] Quand nous la lisons écrite sur une feuille de papier sur le bureau où nous sommes employés, nous sommes infiniment savants : « Employé, je sais qui est mon chef, je connais son bureau. » (79). Le langage entraîne un rapport de notre existence au monde. Nous nous rapportons au monde pour notre pouvoir de vivre. Cela ne veut pas dire que le langage courant fait une référence immédiate aux choses du monde, à la réalité où nous vivons. Il nous montre plutôt leur absence, il éloigne les choses du monde et retient le vide en son lieu. C’est l’agir propre du signe : il nous donne les choses concrètes du monde à travers leur vide. Dans le langage quotidien, les mots logent dans le terrain propre de la connaissance. Celle-ci atteint son point de perfection quand l’existence des choses est remplacée par leur absence.[2]

Quand nous lisons cette même phrase dans Le Château de Kafka, nous nous rapportons au langage de la fiction, soutient Blanchot. Ici, nous sommes « infiniment ignorant(s) de tout ce qui se passe dans le monde qu’on m’évoque, mais cette ignorance fait partie de la nature de ce monde » (Blanchot, « Le langage de la fiction » 80). Le monde de la fiction n’est accessible à l’existence qu’à travers la lecture. La littérature est faite d’expérience de ce qui est irréel, c’est-à-dire d’un monde qui n’est pas présent ni donné conjointement dans notre existence, où le sens des mots est tenu à l’écart des choses et comme à la bordure du monde réel. Même si, dans la fiction, les mots agissent aussi comme signes, « le sens des mots souffre d’un manque primordial » (81). Le monde auquel ils font référence est toujours « encore à se révéler » (81); il n’est pas déjà vécu, il est dans l’attente de sa manifestation. De plus, le monde de la fiction se déplie comme un tout toujours imaginaire, comme un ensemble d’irréalité. Par conséquent, le langage de la fiction ne repousse pas les choses qu’il désigne — ce que le langage courant fait quand il anéantit pour ne retenir que le vide —, il cherche plutôt à s’accomplir comme chose : « Les mots ne peuvent plus se contenter de leur pure valeur de signe » (81), ils rendent sensible ou matérialisent ce qu’ils signifient. Si le chef du bureau existe, c’est comme entité verbale, dessinée par les mots.

Dans le langage du récit, la compréhension du monde de fiction qui nous est présenté se fonde sur les mots. La seule réalité de la fiction est d’être racontée par le récit, elle ne s’appuie que sur l’expérience que celui-ci produit chez le lecteur :

Le lecteur est en effet pris par les choses de la fiction qu’il saisit données avec les mots, comme leurs propriétés mêmes, il adhère à eux, avec le sentiment d’être enfermé, captif, fiévreusement retiré du monde, au point d’éprouver la parole comme la clé d’un univers d’envoûtement et de fascination où rien de ce qu’il vit ne se retrouve. (83)

Cependant, la fiction cherche à se réaliser, à devenir réelle, toujours « en tant que fictive » (85). Ce paradoxe entre l’irréalité de la fiction et la recherche de réalité du sens des mots donne une clé importante pour comprendre la forme du renversement qui produit le langage littéraire. Dans le langage courant, ce qui vient à la conscience avec le langage, le sens du mot, ne fait pas partie du monde exprimé, du monde dont parle le langage. Au contraire, ce langage trouve sa valeur du fait de n’être rien ; il se conforme à être l’absence de ce qu’il tente à exprimer. Dans le langage littéraire, même si les mots restent des signes, ce dont ils parlent ne correspond pas à un monde donné et dont ils se contenteraient en étant son absence. Dans la fiction, le langage cherche à devenir réel, tend « à susciter un objet ». Les mots existent en rendant sensible et matériel leur sens, ils le donnent à voir directement.

Si, dans le langage quotidien, nous nous rapportons au monde par un langage qui le maîtrise en le rendant absent, dans le langage fictif, nous nous rapportons à l’absence que portent les mots, pas en tant qu’elle nous permet de maîtriser le monde, mais en tant que les mots, à travers l’absence ils portent, réalisent un monde de pure irréalité.

Dans « Le langage de la fiction », Blanchot distingue trois formes de récit pour préciser ensuite dans quel sens sa compréhension de la fiction s’écarte de ces trois figures : l’allégorie, le mythe et le symbole. Dans la première, le récit nous renvoie à une idée particulière, il est un signe disparaissant derrière l’idée qui cherche à s’exprimer. Dans le mythe, la fiction cherche à incarner, à faire vivre véritablement un sens. Les êtres de la fiction sont comme véritablement présents au lecteur. Finalement, le symbole cherche à présenter le sens de la vie de tous les jours dans son ensemble, globalement, au-delà des particularités de chaque jour.

Ici, la compréhension de l’imaginaire de Jean-Paul Sartre est évoquée. Si, pour ce dernier, l’imaginaire s’élève au-dessus des objets réels particuliers et s’oriente vers l’ensemble pour posséder les choses depuis ce point de vue global[3], pour les « concevoir et vivre » (Blanchot « Le langage de la fiction » 84) dans leur ensemble, cependant, selon Blanchot, « le sentiment de la présence totale » (84) qui fait surgir l’imaginaire n’est là que pour être suspendu et produire l’irréalité à son envers. L’imaginaire ne se détache pas de la réalité des choses pour les maîtriser, mais pour faire éprouver l’irréalité comme vide. Il cherche à se donner l’absence qui constitue tout langage. Si le langage commun éloigne la réalité des choses pour se rapporter à elles à travers leur absence, la littérature cherche à faire éprouver l’anéantissement qui existe à l’origine de tout langage : « Une absence absolue, un contre- monde qui serait comme la réalisation, dans son ensemble, du fait d’être hors du réel » (84).

« Le langage de la fiction » présente la différence entre le langage commun et le langage littéraire du point de vue du lecteur. C’est le lecteur qui connaît le monde ou qui éprouve l’irréalité par le langage. Dans « La littérature et le droit à la mort », c’est plutôt l’écrivain qui est pris comme perspective pour penser cette différence. Mis à côté d’une conscience qui se réalise et se reconnaît à soi-même dans le monde par l’agir — conscience qui transforme alors le monde à partir de soi — l’écrivain, au contraire, réalise à travers l’écriture une œuvre qui lui reste étrangère. Il ne se reconnaît pas dans son œuvre, celle-ci lui échappe plutôt. Ce type de rapport entraîne des conséquences pour l’expérience du langage, mais soulève également un questionnement sur ce que fait le langage pour devenir littérature. Nous aborderons cette dernière question dans la section suivante.

L’individu et ses œuvres

La première partie de l’essai « La littérature et le droit à la mort » est publiée sous le titre « Le Règne animal de l’esprit » dans la revue Critique en novembre 1947. L’essai apparaît un an après Genèse et Structure de la Phénoménologie de l’Esprit de Hegel de Jean Hyppolite, œuvre citée dans les premières pages de l’essai avec une référence à la traduction de la Phénoménologie de l’esprit que Hyppolite avait publiée quelques années auparavant. Certains passages de la première partie de l’essai sont un commentaire librement écrit de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel.[4] En l’occurrence Blanchot commente, dans la section « Raison », le stade de la conscience « L’individualité qui se sait elle-même réelle en soi et pour soi- même », et notamment le premier des trois moments composant ce stade :[5] « Le Règne animal de l’esprit et la Tromperie ou la Chose même ».[6]

À ce point, il faut souligner les enjeux de l’approche de Blanchot concernant la Phénoménologie dans ce moment. Ce qui est mis en jeu commence dans le type de relation qui établit la conscience par rapport au monde dans la section citée, et que Blanchot renverse dans son commentaire, se poursuit dans les sections et moments qui la suivent et se termine dans les phénomènes auxquels Hegel se réfère pendant les trois moments respectifs[7]. Pour l’instant, nous tiendrons compte du type de relation qui établit la conscience par rapport au monde dans la section citée, et de sa position dans l’itinéraire de la conscience dans la Phénoménologie de l’esprit.

La phénoménologie, comme science de l’expérience de la conscience, suit la conscience dans différents mouvements qui, progressivement, l’élèvent vers le savoir absolu. L’itinéraire est marqué par des mouvements successifs par lesquels ce que la conscience tenait pour véritable est découvert comme illusoire. Succinctement, dans la première partie de la Phénoménologie, la dialectique de la conscience permet de passer de la conscience à la conscience de soi, puis à la raison. Les différences entre ces trois sections sont les suivantes : d’une part, la conscience considère l’objet comme étant autre que le moi, comme une altérité insurmontable ; d’autre part, la conscience de soi n’a pour objet qu’elle-même ; tout est en rapport avec ses désirs et sa puissance propre. Puis elle passe de la conscience de soi singulier[8] à la conscience de soi universel : ainsi le désir devient pensée et le contenu de la conscience devient savoir de soi et savoir de l’être-en-soi. C’est la Raison, identité de la Pensée et de l’Être.[9] Autrement dit, quand la conscience de soi comprend que son savoir de soi est aussi un savoir de l’être-en-soi, elle prend conscience que la réalité ne lui est plus étrangère. La Raison comprend le monde à partir de sa pensée. Dans la Raison, la conscience de soi a la certitude [10] d’être en-soi, c’est-à-dire d’être toute réalité, d’être le monde.

Le stade « L’individualité qui se sait elle-même réelle en soi et pour soi-même » constitue le point culminant de la section Raison et la charnière vers la section Esprit. Dans son stade antérieur,[11] la conscience de soi se posait comme négation de la réalité extérieure en se donnant un but en dehors de la réalité. Mais finalement, elle s’est réalisée comme conscience de soi, puis comme individualité au milieu du monde. Elle ne prend plus le monde comme une résistance qu’elle doit transformer pour vaincre et se réaliser : « Son but n’est pas la négation du monde réel, il appartient lui- même au monde et ce monde, est le monde de l’individualité. » (Hyppolite 289).

Le stade de « L’individualité qui se sait elle-même réelle en soi et pour soi-même » concerne la prise du concept de soi qui constitue la conscience de soi. La conscience de soi est en rapport avec son propre agir, elle veut s’exprimer dans l’extériorité du monde, elle veut manifester son individualité — sa nature originaire au-dedans d’elle — dans le dehors à travers l’agir. L’individualité est en soi en tant que nature originaire, et dans le passage au-dehors, elle est pour-soi: l’opération du passage de l’individualité au monde objectif est la réalité de ce stade. L’individualité agissante se réalise dans le monde, se manifeste sans contrainte : « La matière de l’agir et le but de l’opération résident dans l’opération même. En conséquence, l’opération présente l’aspect du mouvement d’un cercle qui librement et dans le vide, se meut soi-même en soi-même » (Hegel 323). L’individualité veut manifester sa nature propre par l’agir — l’opération — dans le monde, passage de l’intériorité à l’extériorité. Le résultat de l’action manifeste la nature propre de l’individualité.

Comme nous l’avons initialement évoqué, « Le Règne animal de l’esprit et la Tromperie ou la Chose même » constitue dans ce stade le premier des trois moments de la conscience. Dans ce moment-là, l’individu est en rapport avec ses œuvres, entretenant des rapports avec les effets de son agir. En son être, il est pris comme nature originairement déterminée — c’est-à-dire comme détermination, et toute détermination est une négation. Puis, pris en tant qu’individualité opérante, il est le mouvement même de négativité, l’opération négative qui détermine. En considérant le passage d’une face à l’autre, l’individu, par l’opération, devient ce qu’il est en soi — détermination. L’agir ne fait qu’actualiser la nature originairement déterminée de l’individu. Cette nature originaire ne se dépasse pas par l’action, elle ne fait que s’exprimer.[12]

Le concept d’œuvre apparaît dans la section quand l’individualité se pose dans l’être par l’action. Pour Hegel, l’œuvre condense en elle la dialectique de l’opération. La négativité est inhérente à l’œuvre. Elle est « l’expression authentique de l’individualité réelle en soi et pour soi » (Hyppolite 295). L’œuvre exprime la vision du monde de l’artiste et c’est pourquoi elle importe, car une conscience s’exprime en elle. L’œuvre n’est pas évaluée en raison de sa nature objective, sinon parce qu’une conscience s’exprime en elle. L’opération s’inscrit dans l’œuvre comme une détermination particulière.

Selon Hyppolite, à ce moment, Hegel pense aux héros du romantisme, ainsi qu’aux professeurs et artistes qui font une valeur absolue de leur œuvre, de leur tâche (287). Le possessif est souligné car il s’agit d’un moment où l’individualité s’enferme en soi-même. Néanmoins, elle justifie cet enfermement par l’apport à une œuvre ou tâche universelle à laquelle contribue la tâche particulière. Ce moment évoque également le rapport entre l’individu et la communauté. Le travail de la conscience se pense comme un apport à l’œuvre universelle : « To think of ourselves as part of a community of workers, each of whom puts his or her talents to work in the service of some general goal. » (Shapiro 326). Un « monde animal spirituel » est un monde où chacun ne se dédie qu’à soi en se justifiant par la croyance d’une contribution à une cause plus générale conçue de façon abstraite. Ludwig Siep signale à ce même égard que le monde animal spirituel est concerné :

With representations of self-development or self-realization in works of art and in pursuit of an idea, i.e. a Sache — an « issue » or « matter ». Historically speaking, this shape of consciousness may target the artistic and intellectual ideals advanced by Goethe (the Goethe of Wilhelm Meister, not the Goethe of Faust) or the Humboldt brothers. (Siep 149)

La phrase qui sert de titre à la section « Le Règne animal de l’esprit » peut être lue selon Siep comme une référence à un passage de l’Hypérion ou l’Ermite en Grèce de Hölderlin (149). Dans le livre premier du premier volume de l’œuvre, le protagoniste Hyperion parle de la ville de Smyrne et décrit un lieu où les hommes, même cultivés, sont faibles de corps et d’esprit. La nature humaine, dégradée et corrompue, est comme dissoute dans le règne animal spirituel, soutient Hyperion.

La conception de l’œuvre comme l’expression extérieure de l’intériorité de l’individu qui la réalise par l’agir est propre à la caractérisation moderne de la littérature. Dans L’Espace littéraire, Blanchot affirme :

Toute l’époque moderne est marquée par ce double mouvement qui s’éclaire déjà en Descartes, jeu perpétuel d’échange entre une existence qui devient toujours davantage pure intimité subjective et la conquête, toujours plus agissante et plus objective, du monde selon le souci de l’esprit qui réalise et de la volonté qui produit. (Blanchot, L’Espace littéraire 285)

La modernité se caractérise par le mouvement d’une intériorité qui se manifeste et se produit dans l’extériorité par l’agir. Pour Blanchot, Hegel est le premier à s’en être pleinement rendu compte (285). La littérature pensée à partir d’une compréhension du langage qui exprime le contenu d’une conscience, qui dit la pensée, est le langage qui fait référence à l’intériorité du soi dans l’extériorité de l’œuvre. Elle est le langage qui se désigne à elle-même, soutient Michel Foucault dans « La pensée du dehors » : « En cette autoréférence, elle aurait trouvé le moyen à la fois de s’intérioriser à l’extrême (de n’être plus que l’énoncé d’elle-même) et de se manifester dans le signe scintillant de la lointaine existence. » (526). « Modernism », selon Jeff Fort, « is a name for the sounding and unfolding of depth and interiority, its radical externalization : inwardness as boundless exteriority » (173). De la même manière, dans Le Livre à venir, Blanchot déclare :

Depuis la Renaissance jusqu’au romantisme, il y a eu un effort impressionnant et souvent sublime pour réduire l’art au génie, la poésie au subjectif et donner à entendre que ce que le poète exprime, c’est lui-même, son intimité la plus propre, la profondeur cachée de sa personne, son « Je » lointain, informulé, informulable. (45)

La première partie de l’essai, que nous connaissons sous le nom de « La littérature et le droit à la mort », fait un commentaire destiné à comprendre l’œuvre littéraire en rapport avec le travail de l’artiste ou de l’écrivain. Blanchot revient sur ce sujet dans ses écrits ultérieurs. « La littérature et le droit à la mort » ne constitue pas seulement une remarque librement écrite au sujet de certains passages de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, mais également un commentaire très précis et très moderne de la tâche de l’artiste et de l’écrivain

Mais revenons aux commentaires de Hegel. Le passage du concept d’œuvre à la notion de Chose même, dans la Phénoménologie, a lieu lorsque l’œuvre se pose comme extérieure à l’individualité. Si l’opération s’inscrit dans l’œuvre comme quelque chose de particulier, l’agir ou la conscience opérante, de son côté, est universel. En tant qu’universalité, cette opération transcende l’œuvre (Hyppolite 295). Dans l’œuvre, la négativité s’inscrit comme détermination statique ; dans la conscience qui est opération, elle est processus de médiation, devenir, l’espace universel où les déterminations sont possibles. Cependant, même si la conscience se reconnaît comme opération qui dépasse l’œuvre, elle reconnaît dans la réalité de l’œuvre l’unité de celle-ci avec l’opération. Voir l’œuvre comme la Chose même, c’est l’expérimenter en portant attention à ce qu’il y a d’universel et de permanent en elle, sans regard pour ce qu’il y a de particulier ou de contingent. La Chose même est ce qui permet de maintenir le lien entre l’agir de l’individu et l’œuvre lorsque cette dernière se pose comme extérieure, comme distincte de l’individu. L’unité entre individualité et réalité ou objectivité est la Chose même, c’est-à-dire « la Réalité affective envisagée comme l’œuvre de la conscience de soi » (300), dit Hyppolite, le monde comme le reflet de la conscience. La Chose même est l’effectivité de l’individualité, c’est-à-dire le processus par lequel la conscience se réalise à soi-même par l’agir. L’individualité se fait effective comme la Chose même.

Avec la Chose même, « la conscience de soi voit venir à l’être son vrai concept de soi » (Hegel 336) en tant qu’universalité formelle (non pas en tant que Chose de cet individu particulier, mais en tant qu’universel et abstrait). C’est la raison pour laquelle, dans le « monde animal spirituel », chacun ne se dédie qu’à soi en se justifiant dans la croyance d’une contribution à une cause commune plus générale, mais conçue de façon abstraite. Selon Hegel, à ce moment-là, la conscience est honnête et atteint toujours la Chose même — en tant qu’universelle — quelle que soit la situation concrète : « Si elle ne conduit pas un but à la réalité effective, elle l’a toutefois voulu, c’est-à-dire qu’elle fait alors du but comme but, de la pure opération qui n’opère rien, la Chose même, et elle peut dire ainsi pour se consoler que quelque chose du moins a été fait. » (337).

L’universalité de la Chose même contient déjà le mouvement négatif qui est l’opération propre de la conscience et qui lui permet de se reconnaître dans tout ce qui arrive. La Chose même est autant l’œuvre que l’absence d’œuvre, dit Hegel. La conscience se reconnaît dans la Chose, quelle que soit la situation particulière. Elle n’atteint que l’universel et ceci est déjà l’opération de la conscience. Elle est autant pure opération que réalité effective sans activité opérante, elle est chacun de ces moments. Dans tous ces moments, la conscience trouve la Chose même.

Cette suite de moments, bien que différents, n’est pas comprise en leur distinction. C’est ce qui conduit à la tromperie mutuelle ou au jeu des individualités, que développe Hegel à la fin de cette section. Ici, il existe plusieurs consciences dont chacune prend une perspective différente. L’individualité qui s’intéresse à une Chose par son agir ne s’intéresse pas aux mêmes formes que les autres individualités qui se rapportent à elle. Chacune la voit dans différents moments, et se trompe dans ce qu’elle prend de la Chose. Cette tromperie est un trait sur lequel nous reviendrons à l’occasion du commentaire de Blanchot concernant ce moment de la Phénoménologie.

Dans le mouvement suivant, la Chose devient l’œuvre de tous et de chacun, elle prend le statut d’une chose commune qui fait partie de l’essence spirituelle. La transition vers l’Esprit commence.

L’écrivain et l’écriture

Dans cette section, nous allons porter notre attention sur le rapport de la conscience à l’œuvre, parallèlement au rapport de l’écrivain à l’écriture. Nous nous intéressons à présent à la compréhension que fait Blanchot de « La littérature et le droit à la mort » par rapport à ce moment de la Phénoménologie de l’esprit, ainsi qu’au déplacement qu’il réalise quant à l’idée de l’individu, de l’artiste et de l’écrivain et son rapport à l’œuvre. Hegel est introduit dans l’essai par un commentaire selon lequel « celui qui choisit d’être un littérateur se condamne à appartenir au "règne animal de l’esprit" » (295). En suivant Hegel, le littérateur serait condamné au règne où l’individu se réalise et se reconnaît par l’agir, dans l’opération et ses effets. Il arrive au point de s’identifier dans son œuvre, comme identique à soi, comme répétition de son contenu et de sa nature originaire dans l’extériorité du monde. Ces passages développés par Blanchot dans « La littérature et le droit à la mort » peuvent-ils être lus comme une glose de ce que décrit Hegel dans la section, cette fois transposée dans le schéma littéraire développé dans l’essai ? Au contraire, nous affirmerions plutôt que ce que décrit Blanchot dans l’essai comme expérience de l’écrivain est tout à fait différent de ce qu’élucide Hegel dans sa section de la Phénoménologie. Le déplacement que réalise Blanchot entraîne des conséquences pour la compréhension du rapport entre l’écriture, le langage et la figure de l’écrivain.

Pour Blanchot, l’écrivain affronte des situations semblables à celles que la conscience éprouve dans « Le règne animal de l’esprit... » de la Phénoménologie. Pour écrire son œuvre, l’écrivain a besoin de talent, mais il ne l’obtient qu’après l’avoir écrite. Il n’a conscience de lui-même et de l’œuvre qu’après les avoir produits. Il se réalise en tant qu’écrivain par son œuvre, au même titre que la conscience de soi se réalise par l’agir. De ce fait, la question que se pose Blanchot est : comment l’œuvre peut-elle exister ? Si elle ne peut être projetée ni pensée avant d’être réalisée, et si elle ne est réalisée que par « les mots qui la déroulent dans le temps et l’inscrivent dans l’espace » (296), comment l’œuvre est-elle possible ?

Hegel, lui aussi, pense cette tension qui menace la possibilité de l’œuvre. Dans la Phénoménologie, la conscience de soi prend le concept de soi par l’agir, qui ne fait qu’actualiser sa nature originaire. Cela produit un cercle vicieux entre conscience de soi et réalité, où la première se réalise dans la seconde, mais en supposant la réalité toujours connue, même avant son accomplissement. L’individu doit savoir ce qu’il est avant d’opérer sa réalisation. Il s’agit d’une reformulation du paradoxe de Ménon, qui se demande quelles sont les conditions de possibilité de la connaissance. Dans le dialogue platonicien, Ménon pose certaines questions quant à la possibilité de connaître quelque chose de nouveau. De quelle façon chercher une réalité dont on ne sait absolument pas ce qu’elle est ? Comment identifier la chose que l’on recherche si on l’ignore ? Comment savoir que l’objet découvert est le bon ? Le paradoxe menace la possibilité de la connaissance et de l’enseignement. La réponse socratique est bien connue et s’appuie sur la doctrine de la réminiscence, en soutenant que le fait de chercher et le fait d’apprendre constituent une réminiscence. Celui qui cherche doit donc se remémorer ce que son âme connaissait déjà.

Dans le cas de Hegel, l’aporie est formulée par rapport à l’agir. La conscience individuelle doit se savoir pour agir avec le but de réaliser sa nature : « Ainsi l’individu qui va agir semble se trouver enfermé dans un cercle dans lequel chaque moment présuppose déjà l'autre et semble donc ne pouvoir trouver aucun début » (327). Hegel répond à ce paradoxe en soutenant que l’individu doit « commencer immédiatement et passer directement à l’acte, quelles que soient les circonstances et sans penser davantage au début, au moyen et à la fin ; car son essence et sa nature étant en soi sont tout en un, début, moyen et fin » (328). Il faut agir, quelles que soient les circonstances, ces dernières étant toujours convenables pour l’agir. Il faut agir pour que l’individualité se pose dans l’être. Le mouvement par lequel l’œuvre se fait reste toujours identique à la nature originaire de l’individu.

Pour Blanchot, il faut aussi écrire pour faire venir l’œuvre à la réalité. Mais à la différence de l’agir de l’individu, qui ne fait qu’actualiser sa nature originaire dans la réalité, dans l’être, l’écriture dépasse tout à fait cette nature originaire qui était le contenu de la conscience.

Dans « Le règne animal de l’esprit... » Hegel souligne qu’entre les deux côtés de l’opération — de l’agir — « le contenu reste le même, et de façon qu’aucune différence ne s’introduise : ni entre l’individualité et l’être en général, ni entre le but et l’individualité comme nature originaire, ou la réalité effective présente... » (326). Hegel remarque: « Si on se représentait la conscience comme outrepassant ce contenu et voulant acheminer un autre contenu à la réalité effective, on se la représenterait alors comme un néant travaillant dans le néant. » (327).

Chez Blanchot, au contraire, l’œuvre littéraire dépasse toujours son point de départ. Avec elle, il arrive tout à fait le contraire de ce qui a lieu avec l’individualité dans la section commentée de la Phénoménologie. L’œuvre littéraire se déroule dans le temps et s’inscrit dans l’espace justement comme un néant travaillant dans le néant (Blanchot, « La littérature et le droit à la mort » 296). L’écrivain fait tout ce que l’individualité ne fait pas dans l’opération. De plus, il n’existe pas d’écrivain avant l’écriture. Il n’y a rien qui précède l’écriture, il n’y a pas d’individu qui la projette ou la prend pour but. Il n’y a pas de conscience qui contient l’écriture. Au contraire, par l’écriture,« ce qui au-dedans n’était rien est venu dans la réalité monumentale du dehors » (297). Avant l’œuvre, il n’existait qu’impossibilité d’écrire. Autrement dit, « toute œuvre est œuvre des circonstances » (297), son point de départ est dans le temps, inscrit dans l’extériorité des mots, et non dans l’intériorité de la conscience de celui qui l’écrit.

Dans « L’Absence du livre », essai publié à la fin du recueil L’Entretien infini, Blanchot soutient à ce propos : « L’Œuvre n’est pas libérée du nom parce qu’elle pourrait se produire sans quelqu’un qui la produise, mais parce que l’anonyme l’affirme toujours déjà hors de ce qui pourrait la nommer. » (629). Cette phrase si difficile à interpréter — comme l’est peut-être tout cet essai — est précédée d’une brève comparaison entre Hegel et Stéphane Mallarmé : le premier est celui qui est toujours nommé et le second est l’impossible à nommer. Chez Blanchot, l’œuvre a lieu comme l’extériorité qui s’écrit hors de soi, ce qui veut dire qu’elle s’écrit à partir de rien — que l’anonyme l’affirme — et que cette affirmation n’est pas un acte de nomination ni un baptême, mais plutôt une affirmation anonyme, le dire du néant.

Blanchot reprend ainsi la notion de la Chose même dans sa lecture. En citant Hegel, il signale à ce sujet : « C’est tout ce qui, au-dessus de l’œuvre toujours en dissolution dans les choses, maintient le modèle, l’essence et la vérité spirituelle de cette œuvre telle que la liberté de l’écrivain a voulu la manifester et peut la reconnaître pour sienne. » (Blanchot, « La littérature et le droit à la mort » 300). La Chose même, selon Blanchot, est ce qui permet de penser l’unité entre l’individu qui écrit et l’œuvre. Ainsi, l’individu est pensé comme puissance de négation qui se reconnaît dans l’œuvre en prêtant attention à ce que l’œuvre a d’essentiel, c’est-à-dire, en prêtant attention au dépassement qui s’affirme en elle et en ignorant la singularité qui la constitue. Dans le commentaire de Blanchot, la notion n’est pas non plus à l’abri de l’honnêteté et de la tromperie que Hegel considère comme conséquence de la Chose même. Mais pour Blanchot, la concurrence instable de tous ces moments, l’impossibilité d’affirmer uniquement l’un ou l’autre, est ce qui donne lieu à la littérature.

Dans « La littérature et le droit à la mort », l’œuvre échappe à celui qui l’a écrite. Pour Hegel, l’œuvre est l’individualité qui se pose dans l’être. Même lorsque l’œuvre se pose comme extérieure à l’individualité, il reste encore un trait général par lequel l’individualité peut la reconnaître comme propre. Au contraire, pour Blanchot, si l’écrivain se pose dans l’œuvre, celle- ci disparaît, la splendeur du moi disparaît dans l’extériorité des mots. Ce qu’il y a d’universel et de permanent dans l’agir de l’individu, qui s’inscrit dans l’œuvre comme affirmation du dépassement, permet de penser l’œuvre comme œuvre d’une intimité à laquelle il appartient. Au contraire, pensée comme littérature, l’œuvre se déplie dans l’extériorité du monde, non comme intimité mais comme pure extériorité. Le lecteur cherche également à lire une œuvre qui lui soit étrangère, qui puisse le transformer, le faire devenir autre. L’écrivain qui écrit est le néant travaillant dans le néant car son travail est de faire quelque chose à partir de rien. Rien ne précède l’écriture, ni conscience ni réalité.

Le rapport entre la conscience et l’œuvre chez Hegel est un rapport de reconnaissance, d’unité et d’identification. L’individu se reconnaît dans l’œuvre car il voit la Chose même, c’est-à-dire ce qu’il y a d’universel en lui, au-delà de sa particularité. L’individu précède l’œuvre car l’opération essentielle à cette dernière est son propre agir, l’agir de la conscience individuelle. La Chose même est ce qui permet à l’individu de maintenir le lien à l’œuvre à l’égard de ce qu’il y a d’universel en lui. L’universalité de la Chose même contient le mouvement négatif qui est l’opération propre de la conscience et qui lui permet de se reconnaître.

Il en va différemment entre écrivain et œuvre littéraire chez Blanchot : le rapport n’est pas de reconnaissance, mais d’inadéquation. Par ses perpétuels glissements d’un aspect de l’œuvre à l’autre, l’écrivain disparait, il devient « un perpétuel absent et un irresponsable sans conscience » (Blanchot, « La littérature et le droit à la mort » 303).

 

Notas

[1] La phrase est une citation de Le Château de Kafka prise comme exemple par Blanchot dans « Le langage de la fiction ».

[2] À cet égard, l’exemple du langage mathématique que donne Blanchot dans « La littérature et le droit à la mort» est significatif. Pour l’auteur, le langage mathématique est le plus parfait de tous les langages, parce qu’il se parle rigoureusement, et qu’aucun être ne lui correspond (312).

[3] Françoise Collin soutient que chez Sartre, « l’imagination appréhende l’objet comme tout, de tous les points de vue à la fois » (169), mais pour l’appréhender et le maitriser. L’éloignement de la réalité des choses dans l’imaginaire sartrien est une condition de possibilité pour les gouverner.

[4] Blanchot souligne lui-même l’éloignement à partir duquel il écrit son commentaire : « Il est entendu que les remarques qui suivent restent fort loin du texte de la Phénoménologie et ne cherchent pas à l’éclairer. » (295).

[5] Les deux autres moments subséquents de ce stade sont « La Raison législatrice » et « La Raison examinant les lois ».

[6] D’autres passages de l’essai de Blanchot commentent « La liberté absolue et la terreur» dans le stade «L’esprit devenu étranger à soi, la culture», section « L’esprit ».

[7] Pour une autre lecture comparative des sections citées de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel et de l’essai de Blanchot, voir : Rodolphe Gasché. « The felicities of paradox: Blanchot on the null-space of literature. » Maurice Blanchot. The demand of writing. Edité par Carolyn Bailey Gill, Routledge, 1996, pp. 34‐69.

[8] Dialectique du maître et de l’esclave.

[9] Voir « La Raison et l’Idéalisme » (Hyppolite 211).

[10] Avoir la certitude signifie que la conscience de soi considère son contenu comme une donnée extérieure, et non comme un contenu qu’elle possède en elle-même.

[11] Je parle ici du passage de la « Raison observant » (où la conscience connaît l’objectivité des phénomènes extérieurs et examine les principes théoriques généraux de la nature et de l’esprit) à « L’actualisation de la conscience de soi par sa propre activité » (où la conscience comme conscience de soi nie qu’elle se trouve dans l’être et se pose elle-même. Elle se réalise activement comme conscience de soi à travers la négation. Elle impose des lois pratiques au monde — la loi de son plaisir, de son cœur, ou de sa vertu — pour le transformer). Dans ce dernier stade, la conscience passe de s’opposer au monde, puisque son but était en dehors de la réalité, à faire de la réalité son but, à se retrouver dans le monde.

[12] C’est pour ce non-dépassement que ce moment de l’individualité est abstrait, parce que la conscience ne se rapporte pas à rien hors de sa sphère d’appartenance.

Bibliographie

  • Blanchot, Maurice. « Le langage de la fiction. » La Part du feu, Gallimard, 1949, pp. 79‐89.
  • ___ ; « La littérature et le droit à la mort. » La Part du feu. Gallimard, 1949, pp. 291‐331
  • ___ ; L’Espace littéraire. Gallimard, « Folio essais », 1955.
  • ___ ; « Il ne saurait être question de bien finir. » Le Livre à venir. Gallimard, « Folio/Essais », 1959, pp. 41-49.
  • ___ ; « L’absence de livre. » L’Entretien infini. Gallimard, 1969, pp. 620-636. Collin, François. Maurice Blanchot et la question de l’écriture. Gallimard, « Tel », 1986.
  • Foucault, Michel. « La pensée du dehors. » Critique, no 229, juin 1966, pp. 523-546.
  • Fort, Jeff. The Imperative to Write. Destitutions of the Sublime in Kafka, Blanchot, and Beckett. Fordham University Press, 2014.
  • Gasché, Rodolphe. « The felicities of paradox: Blanchot on the null-space of literature. » Maurice Blanchot. The demand of writing. Edité par Carolyn Bailey Gill. Routledge, 1996, pp. 34‐69.
  • Hegel, G.W.F. Phénoménologie de l’esprit, 2 vols. Aubier, 1941.
  • Hyppolite, Jean. Genèse et structure de la Phénoménologie de l’esprit de Hegel, vol. 2. Aubier, 1946.
  • Marmasse, Gilles. « Problématiques morales dans la Phénoménologie de l’esprit et l’Encyclopédie des sciences philosophiques.» Revue philosophique de Louvain, vol. 108, no 1, février 2010, pp. 71‐89.
  • Platon, « Ménon. » Platon. Œuvres complètes. Editées par Luc Brisson. Flammarion, 2020, pp. 1079‐1118.
  • Shapiro, Gary. « Notes on the Animal Kingdom of the Spirit. », Clio 8, no 3, Spring 1979, « Philosophy », pp. 323-338.
  • Siep, Ludwig. Hegel’s Phenomenology of Spirit. Traduit par Daniel Smyth, Cambridge University Press, 2014.

Referencia electrónica

Olivares Valencia, Amanda Leonor. «L’Évasion du sens. L’image en littérature et les limites du langage chez Maurice Blanchot.» Hyperborea. Revista de ensayo y creación, no 7, 2024, pp. 1-15, https://www.hyperborea-labtis.org/es/paper/levasion-du-sens-340
DOI: https://doi.org/10.5281/zenodo.13916383

 

 

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Publicación Hyperborea
Número 07